Jusqu’ici – et ce depuis mes débuts en 1981, je m’étais principalement consacré aux thématiques du paysage dans toute sa diversité et de l’architecture – qu’il s’agisse des ruines antiques traquées dans l’essentiel du pourtour méditerranéen ou d’édifices plus récents, voire même de grands travaux en devenir dont j'ai suivi toutes les étapes de la construction.
Aujourd’hui, je complète mon travail en abordant le portrait. Mais je le fais de manière singulière, détournée, en ne dirigeant pas ma caméra vers mes semblables, comme on aurait pu s’y attendre, leur préférant des arbres vivant.
Rien d’étonnant à ce que j'ai privilégié le végétal à l’humain pour cette première incursion dans le face à face avec l’individu.
J'ai de difficultés à diriger l'appareil photographique sur une personne, connue ou inconnue, question de nature peut-être. J'ai toujours voulu montrer le travail de l'homme, ses réalisations bonnes ou mauvaises sans jamais le mettre en scène.
PORTRAIT NOCTURNE
Attendre la nuit noire, que les étoiles brillent de tous leurs feux.
Après l'avoir rencontré le jour, lui rendre visite la nuit.
L'éclairer violemment à la lumière artificielle, bref, venir le déranger alors que le silence est si assourdissant que même un animal n'ose le troubler.
C'est bien ce sentiment de réveiller un être qui me touche lorsque je cherche mon cadrage. J'essaie de le caresser avec les projecteurs plutôt que l'éblouir.
Les images nocturnes inscrivent le sujet dans la durée, comme une métaphore de sa longévité. Éclairé à la lumière artificielle, l'arbre se détache de son environnement obscur, tandis que les temps de pose étirés le montrent sous la voûte étoilée d’une planète en perpétuel mouvement.
Je tente de renforcer ce sentiment par la verticalité délibérément choisie, il semble presque en suspension, tout à la fois solidement ancré dans le sol et happé par le cosmos.
Inquiétant, voire monstrueux, ces ancêtres apparaissent comme des fantômes, des êtres mystérieux qui renvoient au monde des légendes, de celles que les anciens évoquaient devant l’âtre lors des veillées.
D'après le texte d'Alain d'Hooghe.